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Texte de Christiane

Lu à la présentation de Jean-Pierre Vidal

au Gala de l’Ordre du Bleuet, le 11 juin 2016


Jean-Pierre Vidal n’a que 7 ans quand les pages des Mille et une nuits transforment à ses yeux la carpette de la salle d’eau en tapis magique. Sous le regard des clients d’un Café du village de l’Aude, il s’installe et ordonne : « Tapis, vole ». Entendant cela, des hommes âgés, délaissant leur pastis, saisissent le tapis aux quatre coins et soulèvent l’enfant et sa magie. Depuis ce jour, Jean-Pierre poursuit le voyage de sa vie, convaincu d’être béni des dieux : « J’ai toujours eu une chance inouïe et mon tapis n’est jamais retombé », assure-t-il.


On veut bien le croire. Il est né le 15 août 1944 en Bourgogne, dans le département de Nièvre, au moment de la Libération de Paris. En fait, il serait parisien de naissance si la famille n’avait pas dû fuir les combats, et pourtant, dit-il, fils d’un père Catalan et d’une mère Languedocienne, c’est avec un cœur méridional qu’il sent battre sa mesure, encore aujourd’hui, dans ce Québec qu’il surnomme « Mon Eldorado ».


Lorsque se fait l’Histoire, le jeune Vidal répond présent. Il vit Mai 68, ses barricades, la révolte étudiante, l’évacuation et l’occupation de la Sorbonne. Il quitte l’université avant la fin de son premier cycle, et se retrouve confronté au service militaire obligatoire. L’alternative? La Coopération ou service national à l’étranger. Entre l’Inde, le Brésil et le Canada, le sort lui ouvre les frontières canadiennes, au Québec et, qui plus est, à Chicoutimi où il est reçu au Centre de Formation des Maîtres. Et lui, qui ne voulait pas devenir enseignant, profession qu’il adore, grâce à l’accord liant la France et le Québec concernant les coopérants, s’inscrit en bonne place parmi les professeurs fondateurs de l’Université du Québec à Chicoutimi. C’est ainsi Professeur régulier, tout en complétant sa maîtrise et son Doctorat à l’Université Laval, l’enseignant qu’il ne voulait pas être devient l’écrivain qu’il rêve d’être… à défaut de ses aspirations musicales au temps de l’adolescence.


Outre des centaines de textes publiés dans des revues universitaires et magazines culturels québécois et français, Jean-Pierre Vidal est l’auteur d’une dizaine de livres, trois essais, deux recueils d’aphorismes, recueils de nouvelles dont Petites morts et autres contrariétés adapté et mise en scène par le Théâtre CRI.


Considéré à la fois comme spécialiste du nouveau roman, avec ses publications chez Hachette en 1973 et 1975 des livres La jalousie de Robbe-Grillet et Dans le labyrinthe de Robbe-Grillet, ou du XIXe siècle avec Les chant de Maldoror de Lautréamont (sujet de sa thèse) ou encore de la littérature américaine (Faulkner, Melville), Jean-Pierre Vidal est souvent invité à participer à des colloques internationaux en France et aux États-Unis.


Professeur émérite, chercheur à l’UQAC, directeur du Département des Arts et Lettres, puis de la Maîtrise en Études littéraires, doyen des études avancées et de la recherche, enseignant au baccalauréat et à la maîtrise en études littéraires françaises à Chicoutimi et à Rimouski, au doctorat à Montréal et Québec, plusieurs de ses étudiants sont aujourd’hui des écrivains remarquables : Hervé Bouchard, Guy Lalancette, Élisabeth Vonarburg. À l’origine des revues de création littéraire La Bonante et Protée, le Dr Vidal n’a cessé de s’intéresser à la littérature du Saguenay–Lac-Saint-Jean, multipliant des analyses critiques des écrivains d’ici, participant à des tables rondes, des entrevues tout en étant un membre actif de l’Association professionnelle des écrivains de la Sagamie. Collaborateur au blogue Le chat qui louche où il tient la chronique Signe des temps depuis 2015, précédée par une Chronique d’humeur de 2011 à 2013, il se commet aussi sur le blogue Mauvaise herbe et la plate-forme Web Zone occupée. Conseiller scientifique pour le Fonds de recherche du Québec Société et culture, le sémioticien se consacre aussi à la critique des productions théâtrales de la région, signe les préfaces de livres sur des artistes d’ici, se fait critique de cinéma.


Passionné de musique, classique, jazz, chansons françaises dont Charlebois, Vigneault et Latraverse, autant que de littérature, incluant mythologie, dramaturgie et philosophie grecques, mais aussi Héraclite, Hegel, Nietzsche, Heidegger, il avoue que ses influences sont très diverses. Il nomme les Oratoriens qui ont éveillé sa curiosité; sa marraine qui lui a ouvert les pages de Chateaubriand; sa sœur aînée qui lui a insufflé l’amour de la musique, de la littérature et appris l’exigence intellectuelle; son amie belge qui a cassé son fantasme du Tram 33 et des frites chez Eugène de Brel; son professeur, le poète Olivier Clément, pour sa rigueur et sa foi. Mais entre tous, plus que tous, Céline Dion, « “la vraie”, écrit-il, mon épouse, qui a fait tout ce que je suis devenu dans la deuxième partie de ma vie, depuis plus de trente ans. »


Reconnu internationalement pour ses écrits et ses conférences, il n’y a ni honneurs ni prix prestigieux ni site Web dédié pour cet homme qui, depuis 1968, n’a cessé, par son enseignement et ses écrits de contribuer à la vie littéraire et culturelle de sa terre d’adoption. Membre de conseils d’administration d’organismes comme le Conseil des arts du Saguenay, le Théâtre 100 Masques, Solid’ART, bénévole pour des évènements tels que Le rendez-vous musical de Laterrière, le Festival des films sur l'art, Regard sur le court métrage, Jean-Pierre Vidal a su mettre en lumière les autres créateurs de toute provenance, toutes disciplines artistiques confondues.


C’est avec fierté que ce soir, nous sommes enfin au rendez-vous pour rendre hommage et exprimer notre reconnaissance à cet homme que décrit si bellement Yvon Paré sur son blogue : « Jean-Pierre Vidal demeure un allumeur de réverbères dans ce monde de pulsions et de consommation. Il demeure un humaniste qui cherche un sens à la vie et des certitudes de plus en plus fuyantes. Peut-être que l’écriture est la dernière manière de résister au naufrage. »



Le 11 juin 2016


Jean-Pierre Vidal


Professeur émérite, écrivain, conférencier

Pour sa contribution exceptionnelle à la vie littéraire et culturelle

du Saguenay–Lac-Saint-Jean



fut reçu membre de l’Ordre du Bleuet


        

POURQUOI L'ORDRE DU BLEUET

L'intensité et la qualité de la vie culturelle et artistique au Saguenay-Lac-Saint-Jean est reconnue bien au-delà de nos frontières. Nos artistes, par leur talent, sont devenus les ambassadeurs d'une terre féconde où cohabitent avec succès toutes les disciplines artistiques. Cet extraordinaire héritage nous le devons à de nombreuses personnes qui ont contribué à l'éclosion, à la formation et au rayonnement de nos artistes et créateurs. La Société de l'Ordre du Bleuet a été fondée pour leurs rendre hommage.La grandeur d'une société se mesure par la diversité et la qualité de ses institutions culturelles. Mais et surtout par sa volonté à reconnaître l'excellence du parcours de ceux et celles qui en sont issus.